Ces dernières années, les caractéristiques sonores des machines à sous, de loin le jeu de hasard le plus populaire en France et dans de nombreux autres pays du monde, ont été examinées en profondeur. De nombreux auteurs se sont demandés si ces sons particuliers pouvaient être des éléments importants pour amener un individu à commencer et à continuer à jouer.
Une étude canadienne menée par Mike Dixon et ses collègues a tenté de déterminer si le son des machines à sous était une source de renforcement positif pour les joueurs (c’est-à-dire une forte incitation à répéter le comportement) et rendait le jeu plus excitant. Depuis le début du siècle dernier, les joueurs sont récompensés par une cloche à clochettes chaque fois qu’ils obtiennent une combinaison gagnante. Aujourd’hui, une machine à sous moyenne compte plus de 400 effets sonores différents. Il y a des sons qui augmentent l’estime de soi du joueur (des phrases comme « Génie » après une combinaison gagnante, ou « Super! » venant d’une voix féminine, ne font qu’augmenter la perception que le joueur a de lui-même), ils semblent parler au joueur, ils semblent le connaître, pour beaucoup la machine à sous devient un véritable ami électronique, avec toutes les conséquences négatives de l’affaire.
En analysant ces effets sonores, il est évident que les machines à sous émettent une musique de célébration en cas de gain et aucun son en cas de perte. Le son dit de la victoire est également émis en cas de gain plus faible du pari, malgré le fait que de l’argent ait été perdu (pertes dites masquées). En outre, pour influencer le joueur et ses « voisins », la machine émet souvent des sons de pièces de monnaie, à la fin et pendant le jeu. Dixon et ses collègues tentent de comprendre si ces sons aident à cacher le fait que le joueur perd de l’argent.
L’expérience
L’équipe a mesuré les réactions psychologiques et physiologiques en réponse à divers résultats à l’aide d’un simulateur de machine à sous dans un environnement semblable à une salle de jeu. Ils ont testé 96 joueurs (âge moyen 49 ans) au cours de deux sessions de 200 parties chacune : dans la première session, les parties étaient accompagnées de pièces de monnaie sonnantes, d’une musique festive et d’indices visuels (couleurs, pluie de pièces, clins d’œil aux filles), dans la seconde session, il n’y avait aucun son et les joueurs ne recevaient que des indices visuels de leurs parties. Il est ensuite demandé aux joueurs d’estimer le nombre de fois où ils ont gagné plus que ce qu’ils ont misé et quelle session ils ont le plus apprécié.
Les résultats
Les résultats montrent que le son influence les niveaux d’activation totale des joueurs (mesurés par la conductance de la peau). Les joueurs ont également jugé la session sonore plus excitante et plus divertissante que l’autre. S’ils ont le choix, ils préfèrent de loin une machine à sous avec du son, car l’activation qui en résulte est très agréable pour eux. Enfin, les sons contribuent à la surestimation du nombre de victoires des joueurs. La surestimation est significativement plus élevée dans la session avec sons (les sujets estiment avoir gagné en moyenne 24% de plus que ce qu’ils ont réellement gagné dans la session avec sons, dans celle sans sons seulement 15% de plus). Cette estimation erronée provient principalement du fait que les joueurs incluent également les pertes masquées dans leur compte de gains, car celles-ci sont également associées à des sons gagnants. Les effets sonores peuvent donc constituer un élément important de ce masquage des pertes, en faisant croire au joueur qu’il a moins perdu.
Les chercheurs voient leur hypothèse confirmée et affirment que si le son, pour de nombreux individus, peut contribuer au plaisir du jeu, il peut également conduire à la surestimation des gains ainsi qu’à une pratique plus fréquente du jeu au fil du temps. Grâce également à ces sons « suggestifs », les machines à sous apparaissent clairement comme un jeu à fort pouvoir de création de problèmes ou de dépendance, et ce très rapidement, un fait confirmé par les joueurs eux-mêmes et par certaines recherches.